A peine 3 500 entreprises créées et seulement 1 800 projets financés par les banques. Un taux de réalisation ne dépassant pas 12% par rapport aux objectifs initiaux, 6% si l'on considère les dossiers financés par les banques.
Rien n’y fait, le programme Moukawalati n’est pas arrivé à décoller en quatre ans et demi. Lancé en septembre 2006, ce programme, destiné à promouvoir la création d’entreprises par les jeunes, n’atteint pas les chiffres espérés malgré un relifting en cours de route et une campagne massive de communication de l’Etat pour inciter les jeunes à y recourir. Deux chiffres, à eux seuls, en disent long sur l’ampleur du fiasco : depuis le lancement jusqu’au début avril 2011, le nombre d’entreprises créées dans le cadre de Moukawalati est d’à peine 3 500, et encore ! Le pire est que sur ces 3 500 TPE (très petites entreprises), seules 1 800 ont eu droit à un financement bancaire, le reste ayant été autofinancé. Or, on le sait, l’essence même du programme est justement de permettre à de jeunes porteurs de projets mais sans moyens financiers d’accéder à des crédits bancaires. Pour certains acteurs associatifs impliqués dans le programme, les 1 800 projets financés par les banques sont les véritables projets Moukawalati et c’est sur cette base qu’on doit évaluer le programme. Or, quand on sait que les pouvoirs publics tablaient sur la création de 30000 TPE à fin 2008 déjà, le compte est vite fait : plus de quatre ans après le lancement du programme, on est à peine à 6% de l’objectif et, au mieux, 12% si l’on prend en considération les 1 700 jeunes qui ont autofinancé leur entreprise. Pendant ce temps, plus de 40 000 jeunes ont exprimé le souhait de bénéficier d’un financement Moukawalati.
Le nombre de dossiers acceptés par les banques en chute libre
Le diagnostic dressé par le Comité national de pilotage de Moukawalati, présidé par le Premier ministre le 2 mars dernier, à l’occasion d’une réunion de réflexion, est venu confirmer le constat d’échec mais en l’étayant un peu plus. Sur le PV du comité que La Vie éco a pu consulter, une dizaine de points ont été relevés. On citera notamment un rythme de création toujours faible, ne dépassant guère les 1 000 TPE par an, une image négative du programme auprès des porteurs de projets, un déficit en termes d’accompagnement de qualité pour les jeunes créateurs ou encore l’absence de suivi post création.
Mais c’est incontestablement le volet financement qui pose le plus gros problème. Le constat fait par les membres du comité de pilotage à ce sujet est on ne peut plus clair : le nombre de dossiers rejetés par les banques est de plus en plus important, ce qui explique d’ailleurs que la moitié des TPE créées l’ont été par autofinancement. D’ailleurs, à ce niveau, les chiffres de la Caisse centrale de garantie (CCG) qui intervient au titre de la garantie de l’Etat le démontrent amplement. Le nombre de dossiers Moukawalati financés par les banques ainsi que le volume de crédits correspondant sont en chute libre depuis 2007. Cette année-là, les banques avaient financé 612 dossiers, puis 491 en 2008, 430 en 2009 et seulement 285 en 2010. Pour les trois premiers mois de 2011, la tendance n’est guère meilleure, à peine 44 dossiers bancarisés, ce qui revient à un rythme annuel de 160 dossiers. En même temps, le volume des crédits est passé de 121 MDH en 2007 à 100 MDH en 2008, 85 MDH en 2009 et 57 MDH en 2010.
Certes, comme l’expliquent des membres du comité de pilotage, Moukawalati n’est pas seulement un dispositif de financement mais un programme pour promouvoir la création de TPE par les jeunes à travers le financement et l’accompagnement. Mais il est certain que le financement par les banques constitue aujourd’hui le principal problème. Et ce n’est pas un hasard si le comité de pilotage a tenu à organiser sa réunion de mars en y associant le Groupement professionnel des banques marocaines (GPBM) premier concerné. Et quand on leur pose la question, les banquiers ne manquent pas non plus d’arguments. Business plan mal faits ou trop génériques, problèmes d’adéquation entre les profils des jeunes et les projets proposés. Mais ce n’est pas tout. Il faut dire aussi, et de l’aveu même de certains membres du comité de pilotage, les banques ne fournissent pas suffisamment d’efforts. En agences, le personnel est peu mobilisé pour les dossiers Moukawalati perçus souvent comme une perte de temps et d’énergie par leurs montants dérisoires. Le diagnostic relève aussi une frilosité des banques par rapport à la prise de risque sur les dossiers qui se traduit par des refus ou encore par l’exigence de garantie que les jeunes n’ont pas. A ce reproche, les banquiers répondent par un argument de taille : les impayés générés par les dossiers de crédits Moukawalati augmentent de manière inquiétante. «Même avec la garantie de l’Etat pour 85% du crédit, à travers la CCG, il ne s’agit pas non plus de distribuer des crédits à tort et à travers», reconnaît un membre du comité pour justifier l’attitude des banques.
Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, les différents intervenants cherchent une issue pour relancer le mécanisme. Les premières réunions, comme celle du 2 mars, ont pour objectif d’élaborer un plan d’action d’urgence pour relancer la machine. Encore faut-il que chacun y mette du sien au risque de procéder à un autre relifting sans résultat comme celui opéré en 2009 et qui n’aura servi à rien.
Palmarès : Casablanca et Agadir loin en tête des dossiers financés
Sur les 1 800 dossiers Moukawalati ayant eu la chance d’accéder à un crédit bancaire à fin mars 2011, 300 portent sur des projets implantés à Casablanca et 260 dans la région Souss Massa Draâ. La région de Tanger-Tétouan vient en troisième position avec 155 projets et, étonnamment, on retrouve en 4e position la région de Guelmim-Es-Smara avec 152 projets. Pourtant, moins dotée en moyens et en ressources, la région fait mieux que Rabat-Salé (147 dossiers), le Gharb (103 dossiers) ou encore Doukkala (93 dossiers). On remarquera également la montée en puissance depuis une année de la région de Chaouia-Ouardigha qui a vu une trentaine de projets financés en l’espace d’un an (2010), soit autant que le nombre de dossiers financés entre 2006 et 2009. Etonnant !
Saâd Benmansour. La Vie éco
www.lavieeco.com
2011-05-10
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