L'employeur reste responsable de son salarié du fait que l'accident a eu lieu durant les heures du travail
AVIS D'EXPERT : Le salarié ne comprend pas que sa hiérarchie ne le défende pas
Il ne comprend pas pourquoi on le menace de licenciement pour faute grave alors qu'il se considère comme une victime puisque la voiture l'ayant télescopé venait sur sa gauche et qu'il appartenait au conducteur de cette dernière de lui céder la priorité.
Côté entreprise, le DG dit qu'il veut bien aider le salarié M. X si l'état d'ébriété ne figurait pas sur le PV de la police
Nous nous trouvons, à ce niveau, confrontés à la qualification d'une situation où les divers acteurs ne maîtrisent pas où se situent leurs responsabilités.
Le salarié attend un droit au moment où l'employeur pense rendre service.
Comment un agent de la circulation peut-il décréter qu'un conducteur de véhicule est en état d'ébriété au volant ou pas?
Le fait de sentir une haleine imprégnée d'une odeur d'alcool suffit-il ?
Le pouvoir de l'olfactif de l'agent est-il si développé qu'il n'a pas besoin d'outils dédiés à cet effet ?
Décréter que quelqu'un est en état d'ébriété au volant n'est pas recevable au niveau des juridictions nationales si l'agent ayant constaté l'infraction ne l'a pas fait dans les règles de l'art, c'est-à-dire l'utilisation des outils reconnus par ces juridictions comme moyens permettant la qualification ou pas de l'état du conducteur au volant.
Le délit de conduite sous l'empire d'un état alcoolique est constaté dès que le conducteur a une concentration d'alcool dans le sang égale ou supérieure à un certain grammage par litre (0,80 gramme en France) ou une concentration d'alcool dans l'air expiré égale ou supérieure à une certaine valeur (en milligramme par litre) (0,40 milligramme par litre en France).
Il est donc nécessaire, pour que cette infraction soit constatée, que les agents de la circulation mesurent l'imprégnation alcoolique de l'auteur avec les outils prévus à cet effet.
C'est dans ces conditions que M. X aura besoin de l'assistance de son employeur qui mettra à sa disposition un avocat pour le défendre et qui pourra demander le rejet de l'accusation pour vice de forme si les outils nécessaires n'ont pas été utilisés par les agents de la circulation pour mesurer l'alcoolémie (Alcootest et analyse de sang).
Quelles que soient les conditions de l'accident de la circulation, celui-ci est considéré comme accident du travail et l'intéressé réintègre normalement son emploi sans aucune restriction.
De toutes les façons tant qu'une juridiction autorisée n'aura pas statué sur le cas de M. X, celui-ci est présumé innocent.
Son employeur reste responsable de son salarié du fait que l'accident avait eu lieu durant le trajet. Il ne peut lui attribuer une situation de faute grave puisque le salarié n'a pas causé d'accident mais l'a subit.
Le fait de menacer le salarié de faute grave pour état d'ébriété est condamnable par la loi. L'article 354 du dahir, ci-dessus mentionné, inflige des amendes aux employeurs qui usent de leurs menaces ou autres artifices obligeant les salariés accidentés au silence sur les circonstances dans lesquelles ces accidents avaient eu lieu.
Si le tribunal retient l'état d'ébriété au volant, ce cas ne concerne que l'intéressé qui sera sous le coup de la loi qui lui infligera une amende, retrait de points sur son permis de conduite, etc.
L'employeur peut, dans ces conditions, considérer que M. X est en situation de faute grave et qu'il a le droit de procéder à la résiliation de la relation de travail qui le lie à ce dernier.
Ceci est un droit qu'octroie le code du travail à l'employeur mais ce dernier peut user ou pas de ce droit, le code ne l'oblige pas à se séparer de son commercial.
La nature de l'accident est toujours considérée comme accident de travail puisque M. X a subi cet accident durant le trajet entre son lieu de travail (Marrakech) et son domicile à Casablanca.
Cette définition est conforme à l'article 6 du Dahir N° 1-60-228 du 6/02/1963, portant modification en la forme du dahir du 25 juin 1927 relatif à la réparation des accidents du travail.
A aucun moment ces dahirs ne font allusion à l'état d'ébriété pour exclure un salarié du bénéfice de la réparation d'un accident du travail.
Certaines précautions d'usage sont nécessaires :
1) M. X, en tant que salarié rentrant chez lui, doit dire à la police lors de la rédaction du constat que l'accident est un AT et sans oublier de réclamer un récépissé de déclaration.
2) Avertir (ou faire avertir) son employeur immédiatement ou au plus tard dans les 24 heures et lui communiquer tout sur cet accident afin que celui-ci puisse faire sa déclaration auprès de l'assurance, au niveau du service social de la préfecture et au niveau de la police à Casablanca (pour info) dans les 48 heures. (Articles 14 et suivants du Dahir N° 1-60-228 du 6/02/1963)
3) Le salarié a jusqu'à l'épuisement de deux ans pour faire sa déclaration auprès des instances concernées au cas où son employeur ne l'aurait pas fait.
Source : Bouchaib Serhani, directeur général Gesper Services RH
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VERSION DU SALARIE
Je suis commercial au sein d'une société spécialisée dans les services. Mon champ d'action est étendu à tout le Maroc ce qui m'amène à être fréquemment en dehors de Casablanca où je suis normalement affecté. Dernièrement j'étais en mission à Marrakech auprès de clients dont l'un d'entre eux deviendra le plus important des clients pour mon entreprise. La réunion avec un client s'étant terminée vers 13 heures le représentant de la multinationale nous avait invités à déjeuner avec lui, ce qui fut pour moi un signe de réussite. Je me voyais déjà au summum de la hiérarchie commerciale de l'entreprise. Une fois le déjeuner terminé je reprends la route sur Casablanca en traversant la ville de Marrakech pour accéder à l'autoroute. En ville je fus accroché par une voiture venant sur ma gauche m'occasionnant une fracture de l'avant-bras gauche. Compte tenu de cette blessure le concours d'un agent de la circulation s'est avéré indispensable pour assurer le constat. Une fois l'agent averti, celui-ci procéda aux formalités habituelles. Il fait appeler une ambulance pour me conduire à l'hôpital, mais la présence d'une voiture de la sureté nationale m'intrigua. Un officier en descendit et m'informa que je serai en garde à vue à l'hôpital car je conduisais en état d'ébriété, ce qui n'était pas le cas.
J'ai appelé mon DG pour l'informer de ce qui m'arrive et pour demander son assistance. La réaction de mon DG m'étonna quand celui-ci m'informa qu'il ne tolère pas que le personnel soit en état d'ébriété durant les heures de travail et que cela constitue une faute grave permettant mon congédiement sans frais. Mon employeur a-t-il ou non le droit de procéder à ce licenciement alors qu'il n'est pas encore prouvé que j'étais en état d'ébriété ?
VERSION DE L'ENTREPRISE
Notre société, spécialisée dans les services, développe un portefeuille composé d'une soixantaine d'entreprises clientes réparties sur le territoire national. Nos commerciaux ont toute latitude pour planifier leur emploi du temps dans la mesure où les objectifs personnels et globaux de l'entreprise sont assurés dans les délais impartis. Le commercial, que j'appellerai M. X, et qui a eu un problème à Marrakech suite à un accident de la circulation est un cas. Il est de mon devoir en tant que DG de cette entreprise de l'aider à régler son problème dans la mesure du possible, c'est-à-dire que ce que fera la société pour l'aider ne doit pas nous poser de difficultés de management de tout le reste du personnel, car ce cas est devenu un problème personnel suite au PV de la police. Notre aide se fera dans le respect des us et coutumes et dans celui du code du travail car il n'est pas question pour nous d'encourager ou d'entériner des actes en dehors de la légalité car cela est contraire à notre savoir être. Défendre quelqu'un en état d'ébriété sur un lieu public, après un accident de la circulation ayant causé blessure, me parait un peu difficile. Est-ce que cet accident est considéré comme accident du travail ? Du fait que M. X était sur le chemin du retour vers Casablanca après son travail sur Marrakech, la réponse serait oui. Sera-t-il indemnisé par l'assurance ? Si sa responsabilité est engagée la compagnie d'assurance risque de refuser la prise en charge des frais médicaux et salaires mais ce qui sera grave c'est que si l'état d'ébriété est prouvé, M. X serait en infraction puisque le trajet étant considéré comme travail, il est en situation de faute grave. C'est quelqu'un de très compétent, mais la loi est la loi.
Par LE MATIN
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