Rupture d'un contrat CDD d'une femme enceinte

Rupture d'un contrat CDD d'une femme enceinte: "

Ce cas de figure n'est pas prévu par le Code du travail

version du salarié

J'ai intégré une société depuis six mois et je suis tombée enceinte. Quand mon employeur a appris la nouvelle, il n'a pas du tout apprécié. Deux jours après quand j'arrive au bureau, la sécurité me demande de contacter d'urgence la direction des ressources humaines. Le DRH m'a informé que la société a mis fin à mon contrat car, comme j'ai un contrat CDD, je n'ai pas le droit de tomber enceinte durant les 12 mois du-dit contrat. Que faire contre cette injustice et cette discrimination ?

version DE L'EMPLOYEUR

Notre société est spécialisée dans la vente d'équipements hydrauliques. Le personnel doit être constamment sur le pied de guerre, vu la rude compétition tant nationale qu'internationale. Une jeune commerciale que nous avons recrutée avec un contrat CDD est tombée enceinte, ce qui entrave notre travail, étant donné les absences maladies répétitives et la baisse de concentration et d'implication de la part de cette personne. Vu qu'elle est toujours sous contrat CDD, nous lui avons signifié, via notre DRH, que nous mettions fin à sa collaboration avec nous. Bien sûr, nous lui avons payé ses indemnités, comme stipulé par la loi.


Rupture d'un contrat CDD
d'une femme enceinte
Ce cas de figure n'est pas prévu par le Code du travail
Avis du Juriste
Engagée en CDD pour 12 mois, une jeune femme tombe enceinte. Est-ce un motif de rupture anticipée du CDD ?
Pour mieux apprécier la ou les réponses à votre question celles-ci seront éclatées en plusieurs rubriques, car elles nécessitent la bonne compréhension de la durée maximum d'un CDD, la place de la femme enceinte telle que légiférée dans le code du travail, la rupture d'un CDD et enfin la solution, vu que le cas d'une femme qui tombe enceinte durant un CDD n'est pas prévu par le code du travail.

A) DUREES d'un CDD :
Pour revenir à la durée d'un CDD, celui-ci ne peut excéder six mois dans le cadre du cas général, c'est-à-dire que l'activité pour laquelle un CDD a été jugé nécessaire ne peut avoir un statut de travail permanent, car la relation de travail ne pourrait avoir une durée indéterminée.
Le CDD peut être conclu pour des durées de plus de six mois dans les cas de remplacement d'un salarié dont l'absence est supérieure à six mois, cela peut être le cas d'un salarié appelé à effectuer un service national, par exemple, ou le cas d'une longue maladie où l'entreprise a décidé de garder le poste pour le salarié absent.
Des CDD d'un an renouvelables une fois sont également possibles dans le cas d'entreprises nouvellement créées, de produit conçus et mis sur le marché pour la 1re fois. Un autre cas est également possible, c'est le cas d'entreprises qui créent de nouveaux établissements.

B) LA FEMME
ENCEINTE :
Dans notre cas, cette femme a été embauchée en CDD pour un an et s'est trouvée enceinte durant cette période. Le législateur a prévu une protection quasiment infaillible pour la femme quand celle-ci est enceinte, qu'elle ait un statut de CDI ou de CDD, puisque ce statut n'est pas pris en considération dans le code du travail. La salariée a néanmoins certaines obligations qu'elle doit observer :
a) Dans le préambule au code du travail il est stipulé qu'est interdite toute mesure visant à porter atteinte à la stabilité des salariés dans le travail pour l'une des raisons suivantes :
- La participation à un conflit collectif ;
- L'exercice du droit de négociation collective ;
- La grossesse ou la maternité ;
- Etc.

b) La salariée doit avertir son employeur, en remettant un certificat médical, dès qu'elle constate qu'elle est enceinte. Cette contrainte a été dictée par le législateur dans l'intérêt de la salariée, de façon à ce que son employeur lui attribue une activité compatible avec son état pathologique, lui éviter d'être exposée à un danger quelconque (Art. 327).
L'article 153 impose à l'employeur de veiller à alléger les travaux confiés à la salariée pendant la période qui précède et celle qui suit immédiatement l'accouchement.

C) LA RUPTURE
du CDD :
Si l'employeur apprend, par des voies qui lui sont propres, que la salariée est enceinte et qu'il suspend ce CDD en lui réglant ce qui reste à courir jusqu'à la fin de ce contrat, la salariée n'a que 15 jours pour justifier de son état en fournissant le certificat médical approprié. La salariée a le droit de suspendre son contrat si son état pathologique, attesté par certificat médical, comme résultant de la grossesse, rend nécessaire cette suspension durant les sept semaines qui précèdent la date présumée de l'accouchement. Elle peut également demander le prolongement de la période de suspension du contrat en fournissant un certificat médical sans que cette suspension globale excède huit semaines avant la date présumée de l'accouchement. Une autre protection prévue par le législateur consiste à ce que la salariée en état de grossesse, attestée par certificat médical, peut quitter son emploi sans préavis et sans devoir d'indemnités de préavis ou de rupture de contrat vis-à-vis de son employeur (Art. 158).
Mais en dehors de ces périodes, l'employeur peut procéder au licenciement de la salariée, s'il s'avère qu'elle a commis une faute grave.

D) LA SOLUTION ?
Maintenant que nous avons passé en revue les conditions des CDD et de la femme enceinte, qu'en est-il de la femme enceinte durant un CDD ?
Ce cas n'a pas été explicitement prévu par le législateur. Que peut-on faire ?
La salariée, par principe, connaît ses droits et plus particulièrement le fait de pouvoir rompre la relation de travail sans rien devoir à son employeur (Art. 158). On serait tenté de dire que cela ne concerne que les personnes sous CDI. Eh bien non, cela concerne la femme enceinte sans spécification de son statut de CDD ou CDI.
On sait qu'un CDD est destiné à assurer un travail bien déterminé et rien d'autre, or si ce travail objet du CDD n'est pas compatible avec l'état pathologique de la salariée, la seule issue est de négocier son départ en lui réglant la rémunération de la période qui reste à courir jusqu'à la fin de ce CDD. Je ne vois pas d'autre solution.

Source : Bouchaib Serhani, DG du cabinet RH Gesper Services

Biographie

Bouchaïb Serhani est né en 1938 à Casablanca. Cet ingénieur de formation a débuté sa carrière professionnelle en tant que directeur technique au groupe Bull au sein duquel il a été nommé, en 1982, directeur des Ressources humaines et de la Communication de la zone Maghreb. Lors de cette période, il a participé à la mise en place de politiques et procédures de GRH, comme la gestion des performances, la démarche objectifs-performances, les recrutements (internes et externes) principalement en Afrique, plus particulièrement en Tunisie, Côte d'Ivoire, Gabon, Cameroun et Sénégal. Depuis février 1993,

B. Serhani occupe le poste de directeur général de Gesper Services, une société dont l'activité principale est dédiée aux Ressources humaines, sous-traitance et coaching en GRH, conseils, formation, recrutements…

Au niveau associatif, Bouchaïb Serhani est membre actif de plusieurs organismes comme l'AGEF et la CGEM. Il est également membre fondateur de l'Institut de l'audit social (IAS Maroc).

Par LE MATIN

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